Au fin fond des déserts arides, éclosent les fleurs les plus spectaculaires, aux couleurs les plus éclatantes. Et ce n’est qu’après avoir traversé une période sombre de son existence, semblable à un désert intérieur, que Melissa Bon a laissé s’épanouir sa voix de mezzo alto. Sur sa route artistique, peu de chanteuses ont osé s’aventurer. C’est plutôt du côté des hommes, comme James Blake ou Rhye, qu’il faut aller chercher une filiation à ce songwriting poignant et ultra sensible, et cette électronica soul hybride au dépouillement magistral.
Voilà un premier album qui ressemble à un acte de naissance. La chanson éponyme, « Nomad », n’est pas née par hasard. La Genevoise, aux origines franco-suisses et éthiopiennes, parfaitement bilingue français-anglais, l’a littéralement « crachée » dans l’avion New York-Paris. À croire qu’un trop plein d’émotions avait fini par fendre l’armure, faire déborder ce cœur meurtri de mots essentiels pour elle. Une méthode intime qui s’approche d’une thérapie. Car Melissa n’avait alors jamais écrit de chanson, ni vraiment osé parler à quiconque du ressac impétueux de ses pensées.
Avant ce moment, Melissa Bon aura passé le plus clair de ses jeunes années à se chercher. À douze ans, elle s’essaie pendant des heures à imiter Aaliyah ou Sade dans sa chambre. À quinze ans, elle intègre l’association Little Dreams, initiée par Phil Collins. Elle apprend ainsi la scène, chantant avec des sommités de la variété internationale comme Natalie Cole ou Mr Collins lui-même. Intuitivement, elle se rapproche du jazz, se met à écouter Billie Holiday et Nina Simone, explore avec bonheur les profondeurs de sa voix, capable d’aigus moelleux comme de graves langoureux. Une année d’études dans un centre professionnel de la musique, à Montrouge, vient parfaire son apprentissage.
Plus tard, il faudra un long séjour à New York, où elle frôle - pour le meilleur et le pire - le showbiz américain, pour qu’elle se trouve enfin. Dès lors, tout s’accélère. De retour à Paris, elle rencontre Manu Larrouy et Jean-Paul Gonnod, la team de producteurs qui lui concoctent ces arrangements sur mesure et la présentent au pianiste Alexandre Saada.
Avec ses notes de piano comme égrenées dans le vide, et ses sons électroniques évoquant imperceptiblement le tic tac obsédant du temps qui passe, « Blank » raconte la page blanche, la mise sur pause avant le grand envol de l’inspiration. « Nomad » sonne comme du Satie futuriste, et la surprend au milieu du gué, entre folie et santé mentale, s’interrogeant douloureusement sur son état.
Il est rare de contempler une floraison dans le désert. C’est pourtant à cet événement que ce premier album de Melissa Bon nous donne l’impression d’assister. « Nomad » sera disponible sur toutes les plateformes d’écoute et téléchargement le vendredi 8 novembre 2019.